L’été trainait sa flegme (comme chantait Georges
Chelon) et, lentement s’essoufflait. Octobre approchait. Heureusement,
« l’épisode cévenol » était passé. Le boulot prenait plus
d’attention. Tout semblait se mettre sur des rails.
Etait-ce fini ?
Je n’étais pas venu dans le Sud
pour faire métro-boulot-dodo. Il fallait faire quelque chose, en tout cas,
réagir.
Le changement arriva par l’intermédiaire de mon ami
Osvaldo. Il me proposa de participer à un concours de boules.
Dans le midi,
c’est le sport national, je devais le faire. Après-tous, cela aussi, c’est l’intégration.
Par contre, si j’avais bien lancé quelques boules en
plastique pour m’amuser avec les copains quand j’étais gosse, là, mon ami me
demandait de participer à un vrai concours, avec des équipes, des
éliminatoires, des prix en argent et même la photo sur le journal local !
Il me vint un doute. Et, je n’avais pas de boules. Et
je ne voulais pas lui imposér de ‘Baiser Fanny ». En même temps, je ne pouvais pas dire non. Je ne
voulais pas dire non !
J’acceptai.
Ainsi, j’empruntai un jeu de trois boules, une
triplette, à une voisine. C’était du 740 grammes, un peu lourd pour moi ;
je n’avais jamais joué avec de vraies boules mais tant pis. Alea Jacta Est
(comme aurait dit Jules). Et nous voilà partis dans le tournoi.
Mon ami Osvaldo, avec qui je faisais équipe, avait
vingt ans de plus que moi et, en plus de savoir très bien jouer aux boules,
était perspicace et sentait quand je n’étais pas à l’aise. Il me demanda :
« Alors, tu tires ou tu pointes » ! Oh, j’avais déjà entendu la
phrase mais, je ne savais pas le geste exact que cachent ces mots. (Je parie
que vous non plus.) Alors (et c’est là qu’on reconnait les amis), devant mon air
gêné, il me dit : « Ne t’inquiète pas. Je te donne des indications et
tu fais au mieux. » Je fus rassuré ; il commandait et j’exécutai.
Dès la première « mène », il s’aperçut que
j’étais un bon pointeur. Il me conseilla donc de pointer soit d’approcher la
boule le plus près du "but", « le cochonnet ». De son côté, il tirait et
dégageait les boules gênantes et ne ratait jamais son coup. C’est ainsi que
nous remportâmes la première partie.
En huitième, en quart et en demi-finale, le niveau des
joueurs devenait toujours plus élevé mais, on gagna les gagnants des gagnants
en pratiquant toujours la même tactique : je pointai et Osvaldo tirait. Au
besoin, à « la raspaille ».
C’est en finale que tout se compliqua.
L’équipe adverse était composée d’éléments vraiment
forts, des vrais de la pétanque. La nôtre d’un capitaine qui commandait
correctement et d’un lieutenant qui faisait de son mieux. Tout reposait sur la
tactique au coup par coup et le savoir-faire d’Osvaldo. Mais, j’avais confiance ;
il était capable de faire « un rétro ». Je l’avais déjà vu.
Moi, j’étais content d’être arrivé en finale mais, je
ne voulais pas décevoir mon ami. Et j’étais bien embêté car, sur la dernière « mène »,
les adversaires menaient de deux points, il ne leur fallait qu’un seul point
pour « sortir » et ils l’avaient ; leur (dernière) boule était à
5 cm du « petit » (le cochonnet). Je ne pouvais pas pointer car
plusieurs de leurs boules étaient devant. Trois de nos boules étaient en
deuxième position dont une qui disputait le point à la leur. Mon ami était
parti mesurer, moi, j’attendais dans « le rond » avec une seule boule
dans la main ; la dernière "du jeu"…
Osvaldo se releva et dit :
-
- Tira. (Quand il était fâché, il mélangeait français et
italien.)
-
Mais, Osvaldo… répondis-je.
-
- Visa et « tire au fer ».
Je ne sais pas pourquoi, l’émotion peut-être, je lui
répondis par une formule que j’avais lue dans une bédé de
Valerian (Valérian et Laureline de Pierre Christin et Jean-Claude
Mézières) :
-
- Je saurai me montrer digne de l’honneur qui m’est
fait.
Et, je tirai tout de suite. (Sans vraiment réfléchir ; j'étais Valérian !)
Je ne peux pas dire que j’avais visé. Je tirai et fis « un
carreau » à dégouter les adversaires qui avaient ri trop tôt. Ma boule
chassa la leur et resta sur place, à la place de la leur ! Quatre points
d’un coup ! Il n’en fallait pas plus pour gagner le premier prix. Ouf !
Le premier prix comportait de nombreux lots, espèces,
vins et cadeaux divers. Je laissai mon ami s’occuper du partage des gains tant
j’étais étourdi par ce que je venais de faire. C’est pourquoi j’ai encore
aujourd’hui les boules et leur étui en cuir, un des cadeaux du lot, car il
insista pour que je les prenne.
-
Tu
vas être content, me dit-il, c’est du 740 grammes. Juste pour ta pogne.
Cette
histoire aurait pu s’arrêter là mais, suite à l’article paru dans le journal
local, Mateu (rappelez-vous, cette personne qui m’avait fait connaitre la Baume
à mon arrivée à Nîmes) me fit cadeau d’un livre. C’était « La Gloire de
mon Père » de Marcel Pagnol. Et, à sa lecture, je revis (voir et vivre) la
partie de boules du père et de l’oncle du petit Marcel. Ce fut génial ! J’étais
devenu la gloire du foyer où j’habitais.
En
tout cas, ce jour-là, j’avais pu dire : « J’ai les
boules ! » avec une immense joie.
Comme
convenu avec mes amis, voici leurs blogs : avidoxe, Ateliers d'écritureS, Dan et Dina, Dina de Dan, Ecrire Pastel, Éric Valloni, et VittorioDenim Bonne lecture et,
partagez, faites-vous plaisir. Ils vous
feront la causette si vous savez penser par vous-même. Un petit clic sur le
lien et vous êtes reliés. Bonne lecture.
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